Hugo Prévost
Il y a mort d’homme, ou plutôt d’homme en devenir. Fauché par un chauffard inconnu en 2003, Jonathan Gagnon obsède André Surprenant. Chargé par sa mère de le retrouver, il découvrira plutôt son cadavre quelques semaines plus tard. N’ayant jamais réellement abandonné l’affaire, le policier relancera son enquête deux ans plus tard, déclenchant un étrange thriller policier dans l’efficace roman L’homme du jeudi, de Jean Lemieux.
Dans ce deuxième tome des aventures policières de Surprenant, l’auteur transporte désormais le lecteur dans la grande région de Québec, après un premier opus aux Îles-de-la-Madeleine. Il y dispose désormais d’un terrain de chasse littéraire plus important, plus vaste, qu’il utilisera sans se priver.
Avec cette histoire d’accident mortel, Lemieux soulève la question du déracinement. Tout d’abord dans l’esprit de la mère de l’adolescent tué, Diane Gagnon, mais aussi chez son protagoniste principal, André Surprenant, dont le ménage semble battre de l’aile. Les deux semblent particulièrement mal à l’aise dans l’environnement au sein duquel ils évoluent, comme s’ils étaient bêtement superposés à un décor en carton-pâte. Conséquemment, leurs relations en pâtissent fortement, ce qui permet de développer de façon intéressante les deux personnages en parallèle, chacun chargé de son bagage psychologique et émotif.
Du côté du scénario, si l’on semble hésiter à accrocher en première partie, Lemieux réserve quelques agréables surprises à ses lecteurs, avec plusieurs revirements à la clé. Le tout est fait dans un style clair et efficace qui, s’il tranche peut-être avec Connelly ou Vargas, par exemple, a l’avantage de « livrer la marchandise » de façon directe et concise en un peu moins de 300 pages.
La fin de L’homme du jeudi vient par contre peut-être décevoir quelque peu. La façon dont Lemieux avait structuré son récit pouvait laisser présager d’une suite, ou à tout le moins d’un dénouement plus complexe. Au lieu de cela, l’auteur conclut son scénario sur une note étrangement positive, un genre de façon de démontrer que rien ne s’est passé et que tout est rentré dans l’ordre. Un peu surprenant, pour un roman policier! Espérons, malgré tout, voir cet André Surprenant dans une prochaine aventure policière; le personnage a amplement de potentiel.
L’homme du jeudi, aux éditions de la courte échelle. 293 pages.
